Si Jean-Yves Bordier a fait renaître le goût du beurre, il a d’abord été Fromager Affineur.

Pâte molle, dure, pressée, pressée cuite ou non cuite, persillée, Croûte lavée, croûte fleurie… Parlez-vous la même langue que votre fromager ?
Pour un non initié, le vocabulaire fromager peut paraître bien mystérieux ! Ces termes décrivent le résultat des différentes techniques de fabrication utilisées dans le fromage. Chacun témoigne de gestes, de savoir-faire, d’amour de la matière et du produit. Ils sont également le fruit de l’histoire des hommes, de leur climatologie, des ressources à leur disposition, et de leurs traditions de commerce. Enfin, le plus important pour nos sens, est que chaque famille est porteuse de promesses différentes pour nos yeux, nos papilles, notre odorat.
Apprendre à décrypter les familles de fromages peut donc nous aider à mieux les choisir et les déguster !

La fabrication d’un fromage repose sur la succession de différentes étapes commune à tous les fromages. Certaines étapes peuvent être plus ou moins courtes et plus ou moins complexifiées. Cela aboutit soit à des fromages à taux d’humidité élevé et donc à une courte durée de vie, soit à des fromages plus fermes, à pâte plus dure, et pouvant vieillir quelques mois voire plusieurs années.
On classifie donc les productions fromagères, quel que soit le lait utilisé (vache, brebis, chèvre,…), en sept familles distinctes :

Les fromages frais

le-beurre-bordier-collection-fromages-famille-de-fromagePetits suisses, yaourts, fromages blancs lissés et campagne… Ces pâtes fraîches résultent d’une transformation de lait en caillé : Coagulation, Egouttage, parfois un Moulage et un Salage. En effet, on recherche une texture onctueuse et fondante, caractérisée par une forte teneur en eau à consommer rapidement. Ces fromages ne sont pas affinés, ils ont donc une saveur douce et légèrement acidulée.

 

 

Les pâtes molles à croûte naturelle ou cendrée (Les chèvres)

le-beurre-bordier-collection-les-familles-de-fromage-les-croutes-naturellesLes fromages de chèvre sont particulièrement bien représentés dans cette famille. Les chèvres ont été introduites en France au VIIIème siècle, quand les Sarrasins ont envahi le sud du pays et sont venus jusqu’à Poitiers. Depuis, leur lait a donné lieu à la fabrication de productions fromagères familiales et fermières. En effet, la production des fromages de chèvres demande peu de moyen, cinq ou six chevrètes suffisent.

En revanche il n’y a pas encore si longtemps, la production était strictement saisonnière. En effet, la lactation de ces animaux ne survient que de Février à la fin de l’été. Aujourd’hui, les éleveurs réussissent à obtenir des portées décalées dans le temps et modifient le rythme naturel de production du lait chez leurs chèvres.

En ce qui concerne sa fabrication, elle est identique à celle des fromages au lait de vache et varie selon le type de pâte : caillage (le plus souvent par emprésurage), moulage et égouttage, salage et affinage. La très grande majorité des chèvres sont des pâtes molles, obtenues sans que la pâte soit pressée. Et beaucoup présentent une croûte sur laquelle se développent des moisissures naturelles. Un même fromage de chèvre peut être dégusté à différents stade d’affinage : caillé (0 à 8jours), frais (8 à 16 jours), entre deux (entre 2 semaines et 1 mois) ou sec (au-delà d’un mois).

Le saviez-vous ? Une chèvre ne donne que 3 à 4 litres de lait par traite et seulement 9 mois de l’année contre environ 20 litres pour une vache deux fois par jour et sur dix mois et demie.

Les Pâtes molles à croûte fleurie

le-beurre-bordier-collection-les-familles-de-fromage-les-croutes-fleuriesCamembert, Brie, Coulommiers , Brillat Savarin… La technique : un caillage mixte, c’est-à-dire une coagulation naturelle associée à un emprésurage. Ce caillé est ensuite prélevé à la louche pour être déposé avec précaution dans des moules, afin de ne pas le briser. On le laisse s’égoutter spontanément avant de le retourner, démouler puis saler. L’affinage en hâloir commence dans une ambiance ou la fleur se développe grâce à une pulvérisation de Pénicillium Camemberti. Sa prolifération donnera des moisissures externes blanches. Ses fromages sont à consommer généralement entre 1 et 2 mois.

 

Les Pâtes molles à croûte lavée

le-beurre-bordier-collection-les-familles-de-fromage-croutes-lavesMaroilles, Livarot, Munster, Pont l’Evêque… Ce sont les moines du Moyen-Age (Xème siècle), qui ont mis au point cette technologie fromagère basée sur un procédé particulier d’affinage par lavages répétés de la croûte.

Les Fromages de cette famille sont encore moins humides que les précédents. Cela les rend moins altérables, certains vieillissent jusqu’à 6 mois.

On réchauffe le lait,  la maturation se poursuit et on emprésure le lait. Le lait coagule : on obtient le caillé. Le caillé est découpé en gros grains puis brassé. Le lactosérum ou petit lait peut ainsi s’échapper et être soutiré. On moule ensuite le caillé dans des moules sans fond déposés sur des claies de bois. Les moules sont retournés plusieurs fois dans la journée pour faciliter l’égouttage

On procède ensuite à l’affinage dans des caves fraîches et très humides. Les cavistes lavent régulièrement à l’eau salée les fromages sur toute leur surface, soit à la main, soit avec une brosse souple ou une éponge. Cette opération accélère la formation de la croûte. Dans certaines régions, on remplace l’eau salée par une eau mélangée à un alcool régional: cidre, bière, marc de champagne, marc de bourgogne…

Il faut attendre en moyenne deux à trois mois avant d’obtenir un fromage parfaitement affiné.

Les pâtes persillées

le-beurre-bordier-la-collection-les-familles-de-fromages-les-pates-persilleesRoquefort, bleu d’Auvergne, bleu de Gex, Fourme de Montbrison, Stilton… Les pâtes persillées appartiennent à l’une des plus anciennes familles de fromages. L’origine de ces fromages se perd dans la nuit des temps. Le Roquefort fut d’ailleurs le premier fromage français à être protégé par un décret officiel, en Juillet 1925. On prétend même qu’il était très apprécié à la table de Charlemagne.

Leur qualité se reconnait à la densité et à la régularité de la répartition des veinures bleutées dans la pâte, laquelle doit être lisse et de couleur jaune clair.

Le lait utilisé peut être du lait de vache ou de brebis, pasteurisé ou cru. Il est chauffé à 32°C, puis caillé à l’aide de ferments. On laisse ensuite le caillé s’égoutter naturellement, sans le malaxer ni le diviser.  Après égouttage, il est émietté, on y saupoudre le Penicillium Roqueforti, on le place dans un moule de forme cylindrique, et enfin, on le sale.

Il rejoint les caves d’affinages dans lesquels ses moisissures internes se développeront grâce à l’air incorporé par de longues aiguilles.

Après une première maturation dans un hâloir, les fromages sont affinés dans des caves fraîches et très humides. On stoppe la prolifération des moisissures bleues en enveloppant les fromages dans une feuille d’étain.

L’affinage des pâtes persillées dure au minimum de 4 à 6 mois. Il permet à la pâte de devenir onctueuse et de développer tous les arômes et toutes les saveurs contenus dans le lait.

Les Pâtes pressées non cuites

le-beurre-bordier-la-collection-les-familles-de-fromages-les-pates-presses-non-cuiteSaint-Nectaire, Pyrénées, Tomme de Savoie, Laguiole, Cantal, Salers,… L’origine des pâtes pressées non cuites remonte au Moyen-Age, à l’époque où de nombreux monastères ont été fondés un peu partout en Europe. Les Religieux élevaient des troupeaux de vaches, dont ils valorisaient le lait en fabriquant des fromages. Grâce à la technique de la pâte pressée, ils pouvaient conserver ceux-ci pendant longtemps et s’en nourrir tout au long de l’année.

Le lait utilisé le plus souvent pour fabriquer des pâtes pressées non cuites est le lait de vache pasteurisé ou cru. Le lait est d’abord chauffé à 36°C, puis on le fait cailler rapidement à l’aide de présure. Le caillé est tranché en très petits morceaux et brassé. Il est versé dans de grandes toiles appelées étamine, que l’on dépose dans des moules avant de le presser pour un égouttage aussi rapide que possible.

Après cette série d ‘opérations, on sort les pâtes qui ont pris leur forme. Si le salage n’a pas été effectué auparavant dans la masse, on plonge les fromages dans une saumure pendant quelques heures. Puis on les frotte de sel plusieurs fois afin qu’il pénètre dans la pâte et qu’il consolide la croûte.

Les fromages sont ensuite placés dans des caves humides et fraîches, où ils vont développer leurs arômes et leurs saveurs. Pour finir, les fromages sont lavés à l’eau salée et retournés tous les jours. Les manipulations sont peu à peu espacées.

Les Pâtes pressées cuites

le-beurre-bordier-la-collection-les-familles-de-fromage-les-pates-pressees-cuiteComté, Beaufort, Gruyère, Emmental: de tradition montagnarde, les fromages à pâtes pressées cuites se présentent sous la forme de meules très grandes et très lourdes. Ils sont nées aux alentours du XIIIème  siècle en moyenne. Leur mode de fabrication permettait aux bergers, qui passaient l’été dans les pâturages d’altitude avec leur troupeau, de faire des fromages se conservant suffisamment  longtemps pour attendre d’être redescendus dans la vallée.

Ces fromages sont produits avec du lait de vache utilisé soit cru, soit pasteurisé. Dans les deux cas, le lait est légèrement chauffé (32-34°C) avant d’être mis à coaguler soit avec de la présure, soit avec un mélange de présure et de ferment lactique. Le caillage doit être rapide et ne pas excéder 30 à 35 minutes. Il est alors longuement brassé avec un tranche caillé, jusqu’à ce qu’il soit réduit en petits morceaux de la taille d’un grain de blé.

La cuisson du fromage débute: on laisse le caillé dans la cuve où il a été brassé et on élève progressivement la température jusqu’à plus de 50°C. Le chauffage permet d’obtenir une déshydratation beaucoup plus poussée de la pâte. On recueille ensuite le caillé dans une grande toile et on procède à un premier égouttage.

Le caillé est ensuite déposé dans un moule qui sera placé sous une presse mécanique pendant plusieurs heures afin d’égoutter le plus possible la pâte par pression.

Une fois l’égouttage terminé, le fromage est alors salé par trempage successifs dans un bain de saumure pendant une semaine environ. Il est ensuite frotté à plusieurs reprises avec du sel, pour obtenir une répartition parfaite de la pâte et durcir la croûte. Une fois la fabrication terminée, les meules sont transportées dans des caves de maturation tempérées, où les ferments contenus dans la pâte agissent en libérant du gaz carbonique. Dès que les fromages ont atteint la maturité voulue, ils sont transportés dans des caves de vieillissement beaucoup plus fraîches, ils y resteront au minimum 3 à 6 mois, parfois 30 mois.

Les meules sont en permanence surveillées et « soignées » par de nombreuses manipulations (lavages, brossages et frottages).

Il faut souvent un an avant que ces fromages à maturation lente puissent atteindre le développement optimal de leur pâte et développer un goût fruité.

Le saviez-vous ? Les pâtes pressées cuites demandent environ 100L de lait pour faire un fromage de 10kg.